lundi 26 décembre 2016

Histoire de l'église Saint-Germain de Branville par Arcisse de Caumont

Arcisse de Caumont écrivit de 1846 à 1857, 5 tomes de la "Statistique monumentale du Calvados" recensant tous les "monuments historiques" du département.

Lien vers les 5 tomes sur Gallica.

Le texte suivant est la reprise complète de son article sur l'église Saint-Germain de Branville, paru dans le tome 4 de 1862. Lien vers ce tome.




Nom usuel : Branvilla, Brandavilla, Braanvilla

Branville est une grande et belle église, située tout près de la route de Lisieux à Dives.
Elle appartient, dans sa plus grande partie, au style du XIIIème siècle, et en est un des plus beaux spécimens pour un édifice rural. Elle se compose d’un chœur, d’une nef et d’une tour placée en saillie entre les deux, au nord.


Le principal portail ne paraît point avoir été placé à l’ouest. Cette partie est un mur droit, à pignon, dont l’appareil est un petit blocage, flanqué de trois contreforts, celui du milieu beaucoup plus élevé que les deux autres. Cs trois contreforts divisent le mur en deux parties égales. La plus voisine du nord est percée d’une belle porte ogivale, à deux voussures composées de moulures toriques portées par des colonnettes cylindriques, avec charmants chapiteaux à crossettes, tailloirs carrés et bases de la première moitié du XIIIème siècle. Le tympan a toujours dû être plein, du reste, la baie est actuellement bouchée. Elle est certainement inachevée, car à droite et à gauche, dans les angles formés par le plat du mur et les saillies du contrefort, on trouve des massifs de maçonnerie inachevés, peu élevés au-dessus du sol, portant des bases et des fûts de colonnettes de même diamètre entr’elles et semblables à celles qui supportent les archivoltes de la porte, et qui certainement étaient destinées à porter d’autres archivoltes restées à l’état de projet par une cause quelconque.

Les deux murs latéraux sont aussi du commencement du XIIIème siècle, bien qu’ils aient, dans certaines parties, une organisation usitée dès le XIIème siècle. Les murs sont construits en petit blocage et en partie recrépis au midi. De ce même côté, cinq contreforts les flanquent. Les deux premiers, vers l’ouest, sont larges, peu saillant, et seraient peut être les restes d’une construction antérieure remontant au XIIème siècle ; les trois qui suivent sont du XIIIème siècle. La corniche est à dents de scie, portée par des modillons à figures grotesques d’hommes et d’animaux. Un cordon semi-torique. Court sur les murs, à la hauteur de la première retraite des contreforts. La première travée est éclairée par une fenêtre moderne, au-dessus de laquelle on voit les traces d’une ogive maintenant bouchée. Dans la deuxième travée est pratiquée une porte ogivale, à voussures composées de quatre grosses moulures toriques qui retombaient sur quatre colonnettes, maintenant détruites, dont les chapiteaux sont à crossettes et à feuillages. Malgré quelques commencements de restauration moderne, ce travail est de la belle exécution du XIIIème siècle.

Cette porte était abritée par un large larmier sur lequel on voit des traces d’un porche qui n’existe plus, et dont les eaux devaient se déverser dans une gargouille en pierre qui est encore restée accrochée au contrefort voisin.

Les trois travées visibles de la nef, vers le nord, sont soutenues par trois contreforts en pierre de taille, semblables à ceux du midi et qui datent aussi du XIIIème siècle ; même cordon torique ; même corniche à dents de scie avec modillons grotesques. Seulement une seule fenêtre s’ouvre de ce côté, dans la travée la plus voisine de la tour ; elle est formée d’une assez étroite lancette épanelée, protégée par une archivolte que soutien, de chaque côté, une petite colonnette avec base du XIIIème siècle et chapiteaux à crossettes, dont les tailloirs sont carrés et épais. Sur la travée supérieure s’attache la tour, formant avant-corps. C‘est une masse carrée, peu élevée, construite en très-petits moëllons taillés régulièrement, et flanquée, sur chaque face libre, de deux contreforts. Elle est divisée, à peu près à moitié de sa hauteur, par un larmier ; elle a, pour toute ouverture, au levant et au couchant, une petite lancette fort étroite, percée au rez-de-chaussée ; et au premier étage, une troisième baise semblable, qui prend le jour au nord. Toute cette construction date du XIIIème siècle. Au-dessus s’élève une pyramide en charpente, recouverte d’ardoise, ajourée de petites lucarnes, et qui date seulement du XVème siècle.

Le chœur n’est que très-légèrement en retraite sue la nef ; chacun des murs latéraux est en construit en moyen appareil, soutenu par trois contreforts à deux larmiers. La corniche est formée d’une série de petites arcatures ogivales, disposées par deux entre chaque modillon. Ces modillons sont à figures grimaçantes, comme ceux de la nef. Un cordon semi-torique continu, entre les contreforts, servait d’appui aux fenêtres primitives. Ces fenêtres, distribuées une dans chaque travée, étaient d’étroites lancettes dont l’angle était simplement taillé en biseau, et qu’encadrait une sorte de voussure composée d’un larmier dont une colonnette du XIIIème siècle, avec sa base et son chapiteau à crossette, recevait chacune des retombées. Les tailloirs des chapiteaux étaient épais et se prolongeaient en cordon sur le plat des murs. Le chevet était droit, construit, comme sur les murs latéraux, en moyen appareil ; soutenu par deux contreforts également du XIIIème siècle, et percé de trois jolies lancettes semblables, pour le galbe et l’ornementation, à celle des côtés latéraux ; mais celle du milieu d’élevant d’un tiers à peu-prés au-dessus de ces compagnes, bien que son archivolte n’ait, pour soutenir ses retombées, que deux colonnettes arrêtées, comme toutes les autres, au niveau du larmier continu. Les ravages du temps ont fait disparaître ce bel ensemble que nous avait laissé le XIIIème siècle. Actuellement au midi, une seule fenêtre date de l’époque primitive, celle de la deuxième travée. Celle qui occupait la première travée a fait place à une espèce de trou carré. On a pourtant conservé, au-dessous, une petite porte ogivale du XIIIème siècle, a moulure torique, avec deux colonnettes. A la troisième travée, des restaurations encore inachevées, ont pour but de rétablir l’harmonie primitive.

Le côté du nord a moins souffert des mutilations ; avec un contrefort réparé simplement en briques, il n’a perdu que la fenêtre de sa dernière travée.

Au-dessous de cette fenêtre moderne était ouverte, comme au midi, une toute petite porte ogivale, fort basse, actuellement bouchée.

Contre le chevet est adossée une sacristie polygonale assez vaste.

Intérieur : Ce chœur n’était pas moins remarquable à l’intérieur. Ses trois travées sont voutées en pierre, avec arceaux croisés et arcs-doubleaux de forme torique, reposant, à chaque retombée, sur des colonnes semi-cylindriques engagées dont les chapiteaux, surmontés de tailloirs très-épais, sont garnis de deux rangs de feuillage variés. Les clés de voute sont ornées de fleurons.
L’établissement d’un lambris avait fait mutiler les fûts et les bases de ces colonnettes jusqu’à une certaine hauteur. On vient de les rétablir. On avait mutilé, par le même motif, une belle piscine ogivale, à deux baies trilobées surmontées d’un trèfle, que portaient trois colonnettes trapues. Une seule, avec son chapiteau à crossette, a survécu, le reste est une restauration moderne.
Les belles lancettes primitives sont posées, comme à l’extérieur, sur un tore continu, et une semblable archivolte leur sert d’ornement.

La nef a beaucoup moins d’intérêt : la voute est en merrain, avec six entraits et poinçons grossier que M. Vérolles, architecte, regardait comme la charpente primitive du XIIIème siècle. Cependant une voûte de pierre a dû couvrir aussi, dans l’origine, toute la nef, ainsi que l’atteste une amorce encore visible à l’angle sud-ouest.

La base de la tour a dû servir de chapelle ; elle communique avec la nef par une large ogive sans moulure, maintenant bouchée. Cette chapelle n’offre rien de caractéristique à l’intérieur. Dans l’étage supérieur est une cloche ancienne, donc voici l’inscription :

« MAITRE NICOLAS LE FEBVRE PRETRE BACHELIER EN THEOLOGIE DE PARIS CURE DE BRANVILLE ASSISTE DE MADAME ANNE DE LA PLACE VE DE M. LECARPENTIER EN SON VIVANT CONSEILLER LIEUTENANT EN ELECTION DE PONTLEVEQUE MA NOMMEE ET BENIE EN LHONNEUR DE ST GERMAIN ET DE STE ANNE
FRANCOIS DU BOS TRESORIER EN CHARGE
ALEXIS LAVILETTE DE LISIEUX MA FAITE EN 1773 »

L’église de Branville est sous invocation de Saint Germain, et faisait partie du doyenné de Beaumont. Le patronage a toujours été ecclésiastique : dans l’origine, il appartenait à l’abbé de Ste.-Catherine de Rouen ; au XVIIIème siècle, les Chartreux de Gaillon en avaient la possession.

Au civil, Branville dépendait de l’élection de Pont-l’Evêque, sergenterie de Beaumont, et comptait, au XVIIIème siècle, deux feux privilégiés et quarante feux taillables.

Branville a figuré dans l’histoire dès le commencement du XIIIème siècle. Après la conquête de la Normandie par le roi de France Philippe-Auguste, Branville était un tiers de fief, dont le nouveau suzerain fit généreusement hommage à un nommé Baudri de Nonchamps (Apud Branvillam tercium unius feodi quod Baudri de Nonchamp tenet ex domo regis.- Apud Andr. Duchesne, Regest. Feod.). Je ne connais point de château ou de motte féodale ;  le manoir, la Montagne, se trouve peu éloigné de la grande route, au nord de l’église. C’est une vieille maison en bois, peu considérable, peu ancienne (elle remonte tout au plus au règne de Henri IV) ; elle n’a de remarquable que ses trois lucarnes cylindriques, qui montrent au loin des fragments d’épis en terre cuite, et surtout sa tourelle d’escalier, avec un énorme toit conique couvert d’ardoise.


En 1540, lors d’une recherche de la Noblesse, faite par les Elus de Lisieux, le fief de la Montagne appartenait à Robert Tollemer, qui avec Charles, son frère, produisit un anoblissement concédé par le roi, en décembre 1313, à Jean Tollemer, leur père, pour 300 livres.

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